Un Pygmalion du
Septentrion : Jean-Louis
DELHAL
Jean-Louis
Delhal nous a quittés le 20 décembre dernier au terme d'un
long calvaire. C'était un artiste dont la réelle originalité
n’avait d’égale que sa modestie, un artiste selon notre
cœur, enjoué et méticuleux, opiniâtre et essentiellement
libre, à qui la vie n’a pas vraiment accordé le temps d’un
peu de reconnaissance en échange, et c’est une chose ingrate
et bien affligeante. Réservé de nature, il n’en était que
plus un garçon affable, un garçon parmi les plus chics que
je connaisse et un ami qu’une similitude de parcours - et
jusque dans nos espaces de travail respectifs : 45 cm x
30 cm de table pour moi (j'ai mesuré), la table de la salle
à manger d'un F4 de HLM pour lui -, me rend cher.
Né
en 1951 dans le Cambraisis, titulaire d’une Attestation
d’Études Plastiques à l’École des Beaux Arts de Cambrai
et du Diplôme National des Beaux Arts à Nantes, en 1975,
il se met à expérimenter les possibilités de sortir la chose
représentée de la toile, de la sortir par la toile plus
que de la sortir du cadre, même si cela lui arrive ; on
pourrait aussi bien dire de sortir la toile de sa planéité
naturelle, voire de la sortir de la chose représentée elle-même.
Jean-Louis Delhal déborde, déborde la toile, non point par
sa bordure, par ses bords, mais, par l'épaisseur de son
pouvoir d'illusion et de cette façon lui donne corps, matière
et volume. Pour ce faire, explorant tout, des techniques
du tissu bourré jusqu’à ce qu’il se bombe, se galbe, surgisse
à d’étranges corps lisses en instance d’extirpation, - et
là l’érotisme n’est jamais peu joyeux, - à celles du tissu
plissé qui au contraire semble faire retour au royaume de
la phosphorescence et de la réfraction, c'est à quelque
chose du geste qu'il nous convie, geste qui sort de celui
millésimé du peintre et se trouve à son tour mis en relief,
entre fil et aiguilles, à froisser par-ci, défroncer par-là,
la couleur faite forme. L’art de Jean-Louis Delhal est essentiellement
à la limite, à la limite de l'espace où se trame le soulèvement
de la toile.
Ce
Pygmalion du Septentrion, ainsi que je l'appelai en 1998
à l'occasion de l'ouverture de notre minigalerie La Petite
Renarde Rusée, a participé à nombre d’expositions de notre
association entre 1986 et 1999 : Éros musagète ; Fric-Frac
; La Chambre noire ; Éros anadyomène ; L’imaginal aux chrysalides
; Le Monde, etc. On ne s'étonnera pas que, séduit par le
projet de cette minigalerie placée sous le signe de l'obliquité
créatrice, il ait bénévolement contribué à sa réalisation
et l'ait inaugurée avec l'exposition de ses œuvres en 1998.
Notre Nord a beaucoup de peintres, mais les novateurs ne
fourmillent pas, au contraire du vivier belge, par exemple,
tendu par une tradition esthétique séculaire. Là, je ne
peux m'empêcher de rêver au temps qui pourrait voir se pencher
sur l'œuvre de Jean-Louis Delhal des esprits curieux et
attentifs, tenants d'une fiction d'autant plus inavouée
que les formes de cette fiction, à l'instar des reliefs
de sa singulière peinture, saillent d'une réalité qui ne
sera pas toujours plane. Dans ce songe, ce n'est pas une
question de mérite ou de justice, seulement une question
de contraste obligé dans la perspective du monde qui nous
occupe.
Du même :
1970 - à la Galerie Ségard,
à Cambrai. 1978 - “ Expo 78 ”, à Avesnes-lez-Aubert. 1978
- à l’exposition d’Art contemporain, à Denain-Usinor. 1979
- au Martin’s Club, à Cambrai. 1980 - à l’École des Beaux
Arts, à Cambrai. 1986 - Éros musagète, à Lompret. 1987
- au Balatum, à Lille. 1987 - au Box Burger, à Arras. 1989
- au Don Quichotte, à Comines Belgique. 1989 - au Longchamp,
à Comines France. 1994 - au Xe Salon d’Art contemporain
d’Escaudain. 1994 - à la Salle Louis Aragon, à Comines
France. 1994 - en l’Hôtel de Ville de Valenciennes en
compagnie du groupe Bora-Bora. 1995 - au XIe Salon d’Art
contemporain d’Escaudain. 1997 - au XIIIe Salon d’Art
contemporain d’Escaudain. 1998 - Éros anadyomène, à Lille. 1998
- à la Petite Renarde Rusée, à Lompret. 1999 - au XIVe
Salon d’Art contemporain d’Escaudain. 2000 - au XVe Salon
d’Art contemporain d’Escaudain. 2001 - au XVIe Salon
d’Art contemporain d’Escaudain.

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